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Noël
Le culte du soleil dans les empires agraires
Dans les grandes cultures agraires de l’antiquité
(Mésopotamie, Egypte…), le soleil tient une place fondamentale,
car c'était de lui que dépendaient la nourriture,
la chaleur et le bien-être. Dès que l'homme commencé
à cultiver la terre, il suivit attentivement la trajectoire
du soleil tout au long de l'année, et fit de l’astre
un dieu fondamental de son panthéon.
Rapidement l’homme fit le lien entre la «
vie » du soleil et le cours des saisons, déterminant
aussi les moments des grands rituels de « passage ».
Ainsi, depuis la nuit des temps, les rites de remerciements et de
sacrifices furent célébrés dès que le
soleil atteignait les points significatifs de son orbite, c'est
à dire aux solstices d'été et d'hiver.
Le solstice d'hiver, période de l'année
où les journées commencent à être plus
longues, devint rapidement la fête la plus importante, car
il symbolisait la renaissance tant attendue de la nature et l'espérance
de vie nouvelle. Au cours de ces cérémonies, pour
peu qu’on en connaisse ou qu’on en suppose le contenu,
le feu et la lumière jouaient un rôle symbolique de
première importance.
Aussi, lorsque le christianisme, dans les premiers
siècles de notre ère, s’en vient peu à
peu conquérir le monde romain, il allait se trouver inévitablement
confronté à cette tradition séculaire et fortement
ancrée dans la culture, celle de la célébration
du solstice.
Les saturnales
L’une des fêtes majeures de la Rome antique
était la célébration des Saturnales : Les romains
invoquaient Saturne, dieu des semailles et de l'agriculture, (du
verbe latin Severe, semer). Sa fête, les saturnales, donnait
lieu à des réjouissances du 17 décembre aux
"Calendes" de janvier (premier jour de l'An romain). Des
rituels et des sacrifices (le sang de taureaux était répandu
sur les champs afin de rendre la terre plus fertile) avaient lieu
aux solstices d'hiver et d'été pour remercier le soleil,
dont dépendaient les cultures...
Peu à peu, la célébration des semailles en
arriva à justifier toutes sortes de réjouissances
effrénées, de fêtes et d'orgies, toutes sortes
de réjouissances dépravées déplaisant
fortement aux autorités ecclésiastiques... Ainsi le
poète gréco-romain Lucien, (IIe siècle ap.
J.C.), décrivit les Saturnales comme une occasion pour boire
plus que d'ordinaire, faire du vacarme, jouer et danser, pour nommer
des rois et donner des repas aux esclaves… et de faire de
nombreux cadeaux : des porte-bonheur, du miel, des gâteaux,
de l'or étaient des cadeaux courants. On décorait
les maisons avec du lierre, des branches de houx et de gui et tout
travail, à part celui de la cuisinière et du banquier,
était interdit.
Mithra
Rapidement, dans la Rome antique, les Saturnales
se confondirent et se complétèrent avec un autre culte,
celui de Mithra Dans l'ancienne religion iranienne, Mithra était
le dieu de la lumière, le symbole de la chasteté et
de la pureté qui combattait les forces maléfiques.
Cette religion est une dérivation « populaire »
du Mazdéisme au centre de laquelle se trouve le dualismes
lumière – ténèbres, bien – mal,
mort – vie... Au IIe et IIIe siècles av. J. C., le
culte de Mithra fut répandu dans tout l'Empire romain. Les
soldats romains, dont bon nombre vénéraient Mithra,
furent les ambassadeurs de cette religion qu'ils répandirent
jusque dans les provinces les plus éloignées de l'Empire.
L’empereur Aurélien (270-275) en fit même la
religion d'Etat en 274 et fixa sa fête au 25 décembre.
L'une des fêtes principales du mithraïsme,
le "Natalis Invicti" (Nativité du Soleil Invincible)
ou "Sol Invinctus" (Dieu-soleil Invaincu), célébrait
Mithra, dieu de la lumière symbolisant la pureté,
la chasteté et combattant contre les forces obscures. Elle
avait lieu au solstice d'hiver du 25 décembre.
La stratégie de l'Eglise
Malgré l'influence croissante de l'Eglise,
les rites liturgiques chrétiens ne parvenaient pas à
s'imposer face aux festivités et aux réjouissances
des Saturnales et du culte de Mithra. Initialement, la célébration
de Noël se résumait à la messe de la Nativité
car, comme le disait un théologien "nous célébrons
ce jour, non pour honorer le soleil comme les païens mais pour
honorer le créateur du soleil".
En 354, le pape Liberus prit une mesure très
astucieuse : La fête de la naissance du Christ fut avancée
du 6 janvier au 25 décembre, jour de la fête la plus
importante du calendrier mithraïen, afin d'attiser la foi des
chrétiens. L’Eglise déclara carrément
le Christ « Sol invictus ».En effet, pendant les premiers
siècles de l'ère chrétienne, la date de la
naissance de Jésus n’avait pas l’importance qu’on
lui connut plus tard : elle différait selon les dires de
l'Eglise. Les Evangiles ne mentionnaient pas de date exacte sur
l'avènement du Christ, et la date restait indéterminée
: 6 janvier, 28 mars, 19 avril ou encore le 29 mai…
Les autorités ecclésiastiques s'accommodèrent
globalement de l'esprit des saturnales. Même si ces fêtes
exubérantes choquaient les moeurs chrétiennes, il
ne fut pourtant pas impossible de concilier les deux rites. En effet
beaucoup d'éléments de la fête païenne
s'adaptaient aisément au nouveau cadre chrétien. Il
ne fut pas difficile, par exemple, de créer un lien entre
le houx avec ses feuilles piquantes et ses boules rouges, à
la couronne d'épines et aux gouttes de sang du Christ…
Ainsi, peu à peu, les deux rites se sont mélangés,
accommodant les éléments de la fête païenne
à ceux des moeurs chrétiennes. On intégra alors
peu à peu les traditions du solstice d'hiver dans la célébration
de Noël, enrichissant les coutumes de Noël qui devinrent
de plus en plus variées... On s'offrait des cadeaux, on décorait
les maisons avec du houx, du gui ou du lierre, plantes sacrées.
Le christianisme procédera de la même
manière au cours de l'évangélisation d'autres
peuples : la fête de Noël fut transférée
aux jours de fêtes païens importants, tels que la fête
de Jul chez les germains. L'objectif restait le même : faciliter
le passage de la coutume païenne à la foi chrétienne.
Il en sera de même pour les peuples nordiques qui célébraient
Njord, dieu de la fécondité et Idun, gardienne "des
pommes de providence", nourriture des dieux.
Mais les traditions païennes restèrent
encore très vivaces, et il fallut attendre le VIè
et l’action du Pape Grégoire I (590-604) pour marquer
l’étape définitive de l’intégration
des deux courants : le pontife tempêtait contre ces survivances
païennes faites de fêtes exubérantes, de danses
et de couronnement des portes et se prononçait en faveur
d'une fête chrétienne et non laïque. La coutume
qui choqua le plus était celle des hommes déguisés
en femme ou en animal ou même nus, qui improvisaient des saynètes.
Il d'interdit donc toute représentation de pièces
de théâtre pendant les fêtes de Noël afin
de contrer ce type de rite et chargea les moines de créer
un véritable rituels chrétien de la fête de
Noël, d’autant plus que l’Eglise était sur
le point d’évangéliser le monde anglo-saxon.
Grégoire ordonna aux moines d'intégrer les cérémonies
chrétiennes dans la tradition des païens afin que les
mutations ne les effraient pas trop.
Noël au moyen âge
Avec la propagation du christianisme, la fête de Noël
commença aussi à jouer un rôle de plus en plus
important dans la vie politique des peuples européens. Suite
à l'écroulement de l'administration romaine et du
système de transport, la communication entre les souverains
se fit de plus en plus rare. Ainsi, Noël, devint une occasion
pour les princes de se rencontrer. Dans l'Europe entière,
les rois chrétiens se faisaient couronner ce jour là,
tel Charlemagne, Roi des Francs, qui fut couronné Empereur
par le pape le jour de Noël de l'an 800.
On se réunissait alors pour de grandes festivités,
caractérisées par un gaspillage inouï et allant
souvent jusqu’à l’excès et à la
débauche: énormes festins, beuveries, danses, jeux...
Les jeux de cartes étaient particulièrement à
la mode. (En Angleterre cette pratique n'était autorisée
que durant la période de Noël).
Les pièces de théâtres et les
représentations scéniques étaient très
appréciées en Europe. Elles étaient en général
assez crues, animées et équivoques. Au lieu d'interdire
formellement ces pratiques, l'Eglise tenta de leur opposer des pièces
et tableaux vivants qui avaient pour thème principal la naissance
du Sauveur selon les données des Evangiles (Matthieu et de
Luc). Les crèches vivantes d’aujourd'hui en sont vraisemblablement
issues.
Elles étaient surtout répandues dans
les régions alpines. Les santons de Provence se situent dans
la lignée de cette tradition et apparurent au XVIIIe siècle,
favorisant, d'abord en France, la diffusion des crèches domestiques.
Les personnages étaient alors façonnés avec
de la mie de pain séchée, puis peints à l'huile
et au vernis…
Noël, une fête de famille
Cette prodigalité et cette débauche
de danses, festins et représentations déplurent fortement
au puritanisme que la Réforme protestante avait mis en branle.
Dès 1583 les Presbytériens d’Ecosse firent bannir
les fêtes publiques de Noël, suivie en 1642 plus tard
les Puritains anglais. On fut obligé de travailler le jour
de Noël comme un jour ordinaire. Certains alors continuèrent
à fêter Noël, mais en famille.
Lorsque finalement le roi leva cette interdiction, on avait pris
l'habitude de célébrer Noël plus calmement et
les coutumes s'étaient assagies. Noël est resté
depuis une fête de recueillement en famille.Même dans
les pays catholiques comme l'Italie et la France, où les
Puritains n'avaient pas beaucoup d'influence, la Contre-Réforme
influença aussi les pratiques catholiques et Noël devint
aussi peu à peu une fête de famille.
Au XVIIIe et XIXe siècle, la tradition qui
consiste à échanger des cadeaux à Noël
ou des étrennes au jour de l'An commença à
se répandre. Les cadeaux de Noël sont sans doute une
représentation symbolique des présents que les Roi
Mages apportèrent à Jésus, mais aussi uns réminiscence
des coutumes romaines, qui voulaient que les fonctionnaires se faisaient
offrir des cadeaux par les populations au début de chaque
année (même les esclaves recevaient des cadeaux de
leurs maîtres)… |